L'ère communiste
La longue période qui démarre dans les Pays tchèques avec le coup d'État communiste de 1948 prend fin avec la Révolution de velours, en 1989.
A l'issue de la Second Guerre mondiale, le Parti communiste tchécoslovaque exploite largement son engagement dans la résistance, et le fait que le pays ait été dans sa plus grande part libéré par les armées soviétiques. Il jouit alors d'un certain crédit, qu'il doit aussi à la manière dont il s'est immiscé dans le règlement de la question de la minorité allemande en Bohême, expulsée des Sudètes. Ce règlement de comptes vire rapidement à une aversion pure et simple pour tout ce qui est allemand, et pour une vénération pour tout ce qui vient des « libérateurs ». Le Parti communiste parvient enfin à tirer finement parti de la popularité générale des idées socialistes chez les populations d'après-guerre, et reprend à son compte la volonté des sociaux-démocrates de se débarrasser des élites de la Première République tchécoslovaque. Les sociaux-démocrates sont eux aussi francs partisans d'une nationalisation générale, et les communistes exploitent tous ces facteurs pour se hisser jusqu'au pouvoir. Grâce à des manœuvres diverses, ils parviennent à contrôler de manière légale les principales fonctions de l'appareil d'État, dont ils se servent pour créer un climat politique tendu qui les conduit finalement au sommet. Leurs entreprises frauduleuses les mènent au coup d'État de 1948, qui inaugure une période de dictature, et fait de la Tchécoslovaquie une République démocratique populaire.
Le régime communiste nouvellement instauré, bien qu'il contrôle les mécanismes-clefs de l'administration, doit réduire à néant toute opposition, existante ou potentielle. C'est dans ce but qu'a lieu la liquidation préméditée de l'intelligentsia non communiste et apolitique, lors de purges qui rappellent les procès staliniens des années 30. Les intellectuels sont envoyés dans des camps de travail. Au total, plus de 22 000 personnes « indésirables » seront internées pendant toute la durée du régime. Une idéologie très forte, inspirée du marxisme-léninisme, est imposée dans les universités et les écoles. Les individus qui la rejettent sont exclus du système éducatif, et les autres sont endoctrinés selon la volonté du régime. Les faux procès, comme ceux du docteur Milada Horáková ou du général Heliodor Píka, menés par le procureur Urválek, de sinistre mémoire, parviennent à effrayer l'opposition
et permettent de se débarrasser d'éléments dangereux au sein même du Parti, comme lors du procès de Rudolf Slánský.
Dans le même temps, l'économie est centralisée et organisée sur le modèle soviétique, avec des plans quinquennaux qui privilégient l'industrie lourde. Après la mort de Staline et Gottwald, notamment à la fin des années 50, le régime totalitaire subit un dégel progressif. La détente partielle qui caractérise les années 60 permet la réhabilitation de certains condamnés, et, à la suite de l'effondrement du dernier plan quinquennal, l'économie est dans une certaine mesure décentralisée.
Ce processus aboutit finalement au Printemps de Prague, en 1968, tandis que des personnalités comme Alexandr Dubček s'efforce de bâtir un « socialisme à visage humain ». Cet espoir d'une détente générale est cependant réduit à néant avec l'invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie le 21 septembre 1968. Le cabinet de Brejnev, président du Soviet suprême, réagit ainsi à la crainte de voir naître une contre-révolution en Tchécoslovaquie, et met fin de manière radicale à toute possibilité de changement de régime.
L'aile normalisatrice prend alors le pouvoir en Tchécoslovaquie, Gustáv Husák est nommé président, et commence une période de « normalisation ». De nombreuses purges ont lieu, et le gouvernement agit conformément aux ordres de Moscou. La crise économique s'aggrave, mais le régime, soutenu par l'URSS, est redevenu très fort. Dans les années 70 apparaissent plusieurs mouvements d'opposition, dont la fameuse Charte 77, quoiqu'il s'agisse plus d'une opposition idéologique que proprement politique. L'enracinement idéologique du Parti communiste est déjà vidé de sa substance, et le régime marche surtout par inertie, tout en légitimant l'élite au pouvoir.
Ce phénomène se s'aggrave au début des années 80, ainsi que la crise économique. Le pouvoir est dans une impasse qui débouche finalement sur un relâchement prudent, et une ouverture progressive aux alternatives. Le régime, qui n'est plus qu'une structure figée, se disloque finalement de lui-même avec l'affaiblissement général du bloc communiste et la naissance de la perestroïka en 1985. Il suffit du coup porté lors de la Révolution de velours, en 1989, pour qu'il s'effondre totalement. Le 17 novembre 1989 est considéré comme date symbolique pour la fin du régime, et, le 1er août 1993, la loi déclarant l'illégalité du régime communiste est entérinée.