L'histoire de Don Julius Caesar
L'histoire qui suit est aussi tragique pour le fils que pour le père. En 1585, il advint que l'empereur Rodolphe II eut un fils de Kateřina Stradová, sa favorite et amante depuis plusieurs années. Elle avait alors 18 ans. Rodolphe souhaitait que son fils Julius soit éduqué dans la tradition des infants d'Espagne, et il attendait beaucoup de lui. Mais dès son plus jeune âge, l'enfant commença à manifester certaines dispositions étranges et un caractère pour le moins perturbé. Le petit ange prenait plaisir à torturer les animaux domestiques et se montrait très agressif envers ses petits camarades. En grandissant, il se mit à boire, et, à peine adulte, il était déjà alcoolique. Il manifesta enfin une vie sexuelle dissolue, pratiquant le sadisme. A vingt ans, Julius semait la terreur dans le pays, accompagné de ses acolytes, lors de raids licencieux pendant lesquels il allait se divertir parmi les pauvres et les bourgeois. Lassé des plaintes qu'il recevait et de la honte qu'il lui valait, l'empereur décida d'enfermer le jeune homme dans un monastère. La fureur de Julius, privé d'alcool et parfois de nourriture, en fut décuplée. Rodolphe, regrettant les privations que devait supporter son fils, décida de lui laisser plus de liberté, et il l'envoya dans la ville de Český Krumlov, laquelle était déjà à l'époque en sa possession, car Pierre Vok de Rosenberg la lui avait vendue pour faire face à des problèmes financiers. Julius, blasé, débauché, l'en remercia en faisant preuve de plus en plus de violence et en terrorisant son entourage. Les conseillers de Český
Krumlov s'en plaignirent, mais l'affaire fut étouffée, ce qui donna l'occasion à Julius de se livrer de plus belle à ses raids, notamment dans des fermes où habitaient des jeunes filles. En 1607, il finit par tomber amoureux de la fille du barbier de la ville (du moins c'est ce qu'il prétendit). La jeune fille mit un temps à profit cette liaison avec un amant de haute lignée ; mais ce dernier, lassé d'elle, devait mettre fin à leur histoire d'une manière originale. Lors d'une de ses crises, il la transperça d'un coup de rapière, puis la jeta par la fenêtre. Dès que la jeune fille fut guérie de ses blessures, Julius envoya un messager la priant de bien vouloir se rendre au château, où il la dédommagerait. La jeune fille hésitait, et le prince dut changer de répertoire : il menaça de mort sa famille. Elle finit par se rendre au château, où Julius la tortura ignoblement pendant des heures sous les yeux de ses serviteurs, après quoi il l'assassina. On dit qu'il découpa son corps en morceaux. Ce fut là le dernier méfait du fils de Rodolphe II. Sa maladie mentale évoluait en effet à une vitesse foudroyante. Il détruisait le mobilier du château, refusait de se laver, lacérait les draps et attaquait ses laquais avec des rugissements. Rodolphe le fit enfermer dans un appartement gardé par des hommes armés, et finit, paraît-il, par commanditer lui-même la mort de Julius en 1609 par strangulation. On fit croire que le prince était mort naturellement, d'un abcès à la gorge. Quoiqu'il en soit, la tâche de Rodolphe dans cette affaire ne fut pas des plus légères.